Les amis du footballeur ont été reconnus coupables de l’avoir séquestré, puis fait chanter en 2022, pour obtenir 13 millions d’euros. Quelques mois plus tôt, le footballeur avait décidé de prendre ses distances avec cette bande d’amis d’enfance qui vivait à ses crochets.
Fin de partie pour les maîtres chanteurs. Ce jeudi, le tribunal correctionnel de Paris a condamné les cinq amis d’enfance de Paul Pogba à des peines allant jusqu’à 8 ans de prison et à des amendes de 20 à 40 000 euros, les reconnaissant coupables d’avoir séquestré le footballeur en vue de lui extorquer 13 millions d’euros, en mars 2022, puis d’avoir exercé chantage et pressions sur lui pendant plusieurs mois. Seul le chef d’enlèvement n’a pas été retenu comme l’avait suggéré le ministère public.
Roushdane K., considéré comme le cerveau de l’affaire, le seul à comparaître détenu, a été condamné à 8 ans de prison comme l’avait requis le parquet. Adama C. a été condamné à 5 ans de prison avec mandat de dépôt. L’un des plus proches amis d’enfance du footballeur a quitté la salle menotté et escorté par des policiers. Mamadou M., lui, a écopé de 5 ans d’emprisonnement dont 12 mois avec sursis. Enfin, Machikour K. et Boubacar C. ont tous deux été condamnés à 4 ans de prison dont 2 avec sursis pour l’un, 3 pour l’autre.
Prévenu à part, Mathias Pogba, le frère aîné du joueur, a quant à lui été condamné à 3 ans d’emprisonnement, dont 2 assortis d’un sursis. Cette peine de 1 an ferme sera aménagée sous bracelet électronique. Le tribunal a également condamné le frère de Paul Pogba à une amende de 20 000 euros pour avoir participé à la tentative d’extorsion des 13 millions d’euros visant son frère et pour avoir exercé de nombreuses pressions sur l’international français, sa famille et ses relations professionnelles en vue d’obtenir ce paiement.
À l’époque, celui-ci avait participé aux pressions sous l’influence des amis de Paul Pogba, en se rendant à son centre d’entraînement de la Juventus pour le forcer à payer cette somme, et en publiant deux vidéos sur les réseaux sociaux. Après avoir, dans la première, promis de révéler des informations qui pourraient briser la carrière de son petit frère, il avait assuré, dans la seconde, que l’international avait payé un marabout pour jeter un sort à son coéquipier de l’équipe de France, Kylian Mbappé.
En janvier 2024, au cœur de l’instruction judiciaire, Mathias Pogba avait regretté son implication et expliqué avoir été instrumentalisé par cette bande de la Renardière, la cité où tous ont grandi, à Roissy-en-Brie, en Seine-et-Marne. Eux lui assuraient alors que deux braqueurs s’en prendraient à Paul Pogba et toute sa famille s’il ne leur donnait pas les 13 millions d’euros. « J’ai été la marionnette de tous. On m’a baladé de gauche à droite, on m’a menti depuis le début. Quel con », avait pesté Mathias Pogba face au juge.
Gangrenés par l’argent
Depuis des années, les prévenus vivaient aux crochets du joueur qui continuait, malgré sa carrière internationale, de revenir ponctuellement dans la cité de sa jeunesse. Du 26 novembre au 5 décembre dernier, les débats à l’audience avaient permis de mettre en exergue leurs liens d’enfance gangrenés par l’argent.
Mais, fin 2021, le footballeur, alors licencié au Manchester United, avait pris ses distances, fatigué de l’opportunisme et du climat délétère régnant dans la bande. Jusqu’à cette soirée du 19 mars 2022 où les cinq amis conduisent Paul Pogba dans un appartement de Montévrain, à quelques kilomètres du quartier. Ils le retiennent la nuit entière. Là, deux braqueurs encagoulés et armés lui ordonnent de verser 13 millions d’euros. Un dû, selon eux, car ils estiment avoir assuré sa sécurité à son insu pendant dix ans.
Ni les deux années d’instruction ni les débats à l’audience n’auront permis de comprendre la place exacte de ces braqueurs et leurs relations avec le groupe de la Renardière. Aucun des cinq mis en cause n’a jamais livré d’indication précise sur ces hommes, laissant planer cette hypothèse : celle d’un groupe d’amis qui enrôle des malfaiteurs armés pour racketter le footballeur.
« Un scénario de film d’action »
La défense s’est employée à présenter les prévenus comme des victimes collatérales de la séquestration du joueur. « J’ai l’impression qu’on est dans un Cluedo inversé », avait ironisé Me Karim Morand-Lahouazi, avocat d’Adama C. « Au lieu de demander à chacun de mettre dans l’enveloppe le nom du coupable, l’arme et le lieu, on nous a dit d’entrée de jeu : c’est le colonel Moutarde avec un chandelier dans la bibliothèque », avait-il poursuivi, dénonçant « une instruction à charge ». « Tous les éléments disculpant les prévenus sont balayés », avait renchérit Me Steve Ruben, conseil de Mamadou M., avant d’accuser le parquet d’avoir « imaginé un scénario de film d’action ».
Invités à prendre la parole, une dernière fois, avant que le tribunal ne se retire, ses amis avaient eu une pensée pour Paul Pogba, le grand absent du procès. À la barre, l’un d’eux, Boubacar C., avait conclu par ces mots : « Paul sait qui il est pour moi, je le garderai toujours dans mon cœur. »
Source lefigaro.fr