Agence Ecofin – Entre menaces pour leurs industries naissantes et nécessité urgente d’une réorientation stratégique, les économies africaines sont aujourd’hui face à un choix décisif : s’adapter au protectionnisme américain ou accélérer enfin l’intégration économique du continent.
Le mercredi 2 avril, le président américain Donald Trump a frappé un grand coup en annonçant une vague de droits de douane pouvant atteindre 50 % sur les importations en provenance de 185 pays, dont 51 en Afrique. Officiellement, la Maison-Blanche justifie cette mesure par la volonté de protéger ses industries d’une concurrence jugée déloyale en raison d’une « non-réciprocité » tarifaire. En réalité, cette stratégie protectionniste résonne comme un coup de semonce pour de nombreuses économies mondiales, qui doivent désormais choisir entre riposte et adaptation.
Une guerre commerciale inéluctable, mais à plusieurs vitesses
L’Europe, le Canada et la Chine préparent déjà leurs contre-mesures, préfigurant une escalade des tensions commerciales. Mais si les grandes puissances disposent des moyens de mener une guerre commerciale, les pays en développement, et plus encore les nations africaines, risquent d’en être les victimes collatérales.
Certains pays du continent, comme l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Égypte ou l’Algérie, figurent parmi les 50 premiers exportateurs vers les États-Unis. Leurs échanges sont dominés par les produits de base : minéraux, métaux précieux et pétrole, un secteur où Washington cherche justement à renforcer sa production nationale. Au Nigeria, les nouvelles mesures américaines auront un impact sur les ambitions de la mégaraffinerie d’Aliko Dangote, qui misait sur le marché américain pour exporter son kérosène.
Mais au-delà des matières premières, les industries naissantes du continent seront aussi touchées. Le Bénin, avec la Zone industrielle de Glo-Djigbé (GDIZ), a commencé à exporter des vêtements vers les États-Unis dès 2023, faisant grimper cette catégorie de biens à 5,7 % de ses exportations vers Washington en 2024. Le Kenya et l’Égypte, dont les exportations textiles sont largement tournées vers les États-Unis, ou encore le Maroc, qui y envoie principalement des machines électriques et équipements électroniques, sont également exposés.
Réorienter les échanges : un impératif stratégique
Face à cette mise sous pression du commerce africain, deux options s’offrent aux pays du continent : soit ils baissent leurs propres droits de douane pour maintenir un accès préférentiel au marché américain, fragilisant ainsi leurs industries locales face aux produits américains, soit ils réorientent leurs exportations vers d’autres partenaires.
Si l’Europe ou l’Asie peuvent apparaître comme des alternatives naturelles, c’est pourtant en Afrique que se trouve la réponse la plus durable. Aujourd’hui, le commerce intra-africain reste l’un des plus faibles au monde, représentant moins de 20 % des échanges totaux du continent. Plusieurs initiatives régionales et continentales ont été lancées pour y remédier, mais sans résultats à la hauteur des ambitions.
Avec la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), l’Afrique tient pourtant une occasion unique de réduire sa dépendance aux marchés étrangers et de construire des chaînes de valeur solides sur son propre territoire. Cette initiative, encore trop lente dans son déploiement, doit être accélérée.
L’argument d’un protectionnisme américain temporaire ne doit pas être une excuse pour l’inaction. Le continent africain, fort de ses 1,4 milliard d’habitants et de ses ressources naturelles abondantes, a toutes les cartes en main pour renforcer son intégration économique et mieux résister aux turbulences du commerce mondial. La hausse des tarifs américains n’est qu’un signal de plus qu’il est urgent d’agir.
Moutiou Adjibi Nourou