Drame de l’émigration : Non à sa politisation !

Aujourd’hui, face à la recrudescence de l’émigration clandestine, les tenants de l’ancien pouvoir semblent s’émouvoir au plus haut point de ces victimes de l’océan. Un phénomène qui dure et qui s’est accentué depuis 2012. Même s’il a débuté dans les années 2005, ce phénomène a atteint son point culminant dans les années 2014-2023.

À l’époque, le mutisme des autorités avait été décrié de partout, mais elles semblaient avoir ni vu ni entendu, emmurées dans un silence assourdissant. Et aujourd’hui, piquées par on ne sait quelles mouches, ces mêmes personnes dénoncent avec véhémence, à qui mieux mieux, ce phénomène et interpellent le gouvernement du Président Diomaye Faye vieux de…3 mois.

. Comment ces gens qui ont, 12 ans durant, échoué à régler ce problème peuvent-ils demander aux nouveaux arrivants de le réussir en 100 jours alors que cela demande du temps et des efforts soutenus pour obtenir des résultats fiables et durables ? C’est comme si, finalement, ils prêtaient à ce nouveau gouvernement le don d’ubiquité. Et il convient de reconnaitre que ce problème de l‘émigration ne se règlera pas en un tour de main. Parce que, à la base l’émigration, c’est une chimère, une illusion et on ne tue pas facilement une idée.

Pour preuve, malgré les campagnes de sensibilisation et les risques encourus, malgré les milliers de morts, cela n’a en rien émoussé de leur rêve d’Eldorado et les jeunes continuent de fuguer de plus belle. Ils partent dans l’espoir d’un ailleurs qu’ils croient meilleur. Ils partent parce qu’ils ne croient plus en leur pays, ils partent parce qu’ils sont affamés ; ils ont faim de travail, ils ont faim d’une bonne politique de jeunesse, ils ont faim d’une vie décente, ils ont faim de reconnaissance, ils ont faim d’un cadre de vie agréable, ils ont faim de considération

. Rien de tout cela ne leur est offert, et le comble de l’arnaque c’est de nommer un jeune au poste de ministre de la Jeunesse sans mesures d’accompagnement, sans compétences. Résultat des courses, pas loin du zéro pointé. À part des discours creux et des slogans pompeux, les jeunes ne sont associés à rien. Même pour s’inscrire sur les listes électorales on ne leur facilite pas la tâche

Pour dire qu’en réalité, il n’y a jamais eu une réelle volonté de les impliquer dans les instances de décision, et ce, depuis toujours. On se sert souvent d’eux comme fer de lance pour accéder au pouvoir, et une fois les grilles du palais franchies, on les laisse à leur sort. L’ancien Président Wade qui avait été porté au triomphe par les jeunes, déclarait lors de sa prestation de serment en 2000, qu’il préférait la jeunesse de son pays aux milliards de l’étranger. Des jeunes à qui il avait promis des emplois à la pelle durant sa campagne. Mais une fois aux manettes, il les a vite oubliés, préférant les milliards de l’Étranger.

À sa suite, Macky Sall avait lui aussi promis lors de sa campagne en 2012, 500 mille emplois aux jeunes. 500 mille emplois qu’il avait encore promis d’amener à 1 million en 2019. Mais à ce jour, le constat est un échec cuisant, non seulement échec des politiques d’emplois, mais aussi échec de toutes les entreprises d’État en charge de l’appui à la lutte contre le chômage des jeunes. Mieux, les pouvoirs qui se sont succédé ont reçu des centaines voire des milliers de milliards des bailleurs pour financer des projets d’insertion des jeunes, afin de juguler ce phénomène.

Dans une étude commanditée par la Fondation Allemande Heinrich Bőll, parue en mai 2020 et intitulée «Projet et Programmes migratoires au Sénégal : une avalanche de financements pour des résultats mitigés», on peut y lire ceci : «Depuis 2005, suite à la médiatisation spectaculaire de nombreux décès de femmes, d’hommes et d’enfants sur les routes migratoires vers l’Europe, le Sénégal a multiplié les projets et programmes relatifs à la migration clandestine, en grande partie soutenus par l’Union européenne et plusieurs de ses États membres (France, Italie, Espagne)».

Selon le rapport «pour la période 2005-2019, au vu des documents consultés et des entretiens réalisés dans le cadre de cette étude, plus de 200 milliards de francs CFA (environ 305 millions d’euros) a été investis dans le domaine de la migration sur cette période, avec pour principaux objectifs, de limiter les départs, que ce soit par un meilleur contrôle des frontières ou en essayant d’améliorer les conditions socio-économiques dans les zones de départ, et de favoriser les retours».

Malgré l’ampleur des financements, poursuit le document, «les résultats sont mitigés et le phénomène de la migration irrégulière continue de prendre de l’importance…».

En novembre 2019, lors d’une visite au Sénégal, Édouard Philippe, l’ancien Premier ministre français, avait annoncé qu’environ 2 milliards d’euros (environ 1310 milliards Cfa) ont été distribués au Sénégal depuis 2007, des efforts dont il avait jugé qu’ils doivent produire des résultats sur l’immigration irrégulière.

Où est allé toute cette manne financière ? C’est justement pour y voir plus clair que le Président Macky Sall avait, lors du conseil des ministres tenu le 28 janvier 2021, demandé à son gouvernement, notamment le ministre des Affaires étrangères, de lui établir un Mémorandum sur la politique et les projets mis en œuvre, ainsi que les ressources mobilisées dans le cadre de la lutte contre la migration dite irrégulière. Mais 3 ans après, rien n’est toujours pas clair sur la destination de ces financements et le mémorandum est toujours attendu.

Donc aujourd’hui, il est à espérer que le nouveau pouvoir qui prône le Jub Jubal Jubanti aidera les populations à y voir plus clair mais surtout trouvera la bonne formule et les ressources nécessaires pour juguler ce phénomène qui dure et perdure avec son lot de drame et de désolation.

Source Tribune

Saphiétou Mbengue
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