Exploitation de l’or sur la rive gauche de la Falémé : Les orpailleurs défient l’Etat et piétinent le décret portant suspension

L’exploitation de l’or au niveau de la rive gauche de la Falémé se poursuit toujours. Cela, malgré le décret du Président de la République Bassirou Diomaye Faye du 30 juillet 2024, portant suspension des activités minières dans cette zone, jusqu’en 2027. Et ce, pour nécessité de préservation de l’environnement, de protection de la santé des populations et de la sécurisation de la zone frontalière. Cependant, malgré l’arrêt de toute opération minière ou délivrance de titre minier autour de la rive gauche du fleuve de la Falémé sur un rayon de 500 mètres, les activités se poursuivent. Une mesure qui s’explique par la fragilité de ce cours d’eau qui risque de disparaître, tout comme le fleuve Gambie qui également est en sursis aussi.

A cause de l’exploitation de l’or, les populations de la commune de Khossanto, notamment Mama Khono, Bambrayading et Bam­braya Bah sont privées de leurs terres parla société minière Saba­dola opération. En plus de leurs patrimoines fonciers, ces populations s’inquiètent davantage sur leur santé, leur environnement, mais également les bétails qui meurent dans les trous d’orpaillage. Malgré la présence de cette société minière les populations locales râlent. Elles dénoncent l’absence de recrutement de la main d’œuvre locale, mais s’indignent davantage de la pollution de leur environnement, par cette exploitation.

Des routes complètement délabrées

De Kédougou à Khossanto en passant par Mama Khono, Bam­brayading, Bambraya Bah tout comme Farading jusqu’à Mous­sala, la frontière malienne, sur la rive gauche de la Falémé, l’état de la route est complètement désastreux. Pour railler ces villages qui sont au fin fond du Sénégal, c’est la croix et la bannière. C’est plus de 120 km de Kédougou. Toute en latérite, difficile de rouler en voiture ou les pneus patinent sur la latérite. Dans cette zone isolée du Sénégal, le moyen de transport des orpailleurs reste les motos Jakarta ou les tricycles pour se rendre dans les champs d’orpaillage. C’était un véritable combat de gladiateur des chauffeurs de Forum civil à savoir Ibrahima Ndao et Daouda qui ont bien maîtrisé le volant permettant à l’équipe de franchir le petit marigot de Faranding où coule l’eau du ruisseau dans laquelle, les femmes font le linge. Dans ce village de Fa­randing, l’on trouve des jeunes, des vieillards assis sur un mirador en train de contempler le paysage magnifique illustré parlèrent beauté de ces montagnes. Le problème majeur de ces villages à l’exception de Khossanto et Moussala, est que tous les autres ne sont pas électrifiés. Pire encore, l’eau potable y fait défaut de même qu’une case de santé où les populations peuvent se rendre pour se soigner.

Bamba Dianko enseignant, à DaworolaFaranding :

«Il y a, tout au long de la Falémé des maladies on ne sait même pas d’où elles viennent»

«Comme vous venez de constater, ça fait maintenant trois ans que nous vivons ce calvaire. Il y a des Chinois qui sont venus au niveau de la Falémé en complicité avec certains Sénégalais qui ont eu certains permis et qui sont venus exploiter le long de la Falémé. Ils ont eu deux à trois permis au niveau de la Falémé. Ils ont profité de ces permis pour exploiter la zone. Vous venez de remarquer que jusqu’à présent les gens n’ont pas arrêté les travaux, parce qu’il y aussi la population locale qui est complice. Actuellement si vous voyez il n’y a pas de vaches. Les populations de Fa­randingont des vaches, mais ils étaient obligés de déplacer leur troupeaux ailleurs, parce que l’eau que vous voyez comme ça il y a du mercure et du cyanure», a-t-il dit. «Si le bétail boit ça, c’est fini il va mourir. Encore pire, il y a des mamans qui vont dans le fleuve, qui font la vaisselle avec cette eau-là, elles mettent le repas dans le même bol et les gens mangent. Il y a, tout au long de la Falémé des mala­dies, on ne sait même pas d’où elles viennent».

Après Faranding, cap sur Moussala à la frontière entre le Mali où le fleuve de la Falémé est complètement pollué par l’exploitation semi-mécanique des chinois et ceux qui exploitent aussi de l’autre côté du Mali et qui versent de l’eau sale et du sable en mer. D’ailleurs c’est ce qui a causé les inondations à Kolia où l’eau a envahi les maisons et les champs à cause de la crue du fleuve.

Ndiatiba Cissokho, le chef du village de Faranding, raconte les désastres causés par l’exploitation de l’or : «Nous continuons de subir les conséquences de l’exploitation minière de part et d’autre de la Fa­lémé. L’exploitation à grande échelle des mines qui sont dans la partie malienne nous impacte gravement avec les vibrations des explosions et les poussières. Presque tous les gens souffrent de maladies respiratoires ou cardiaques», a déploré Ndiatiba Cissokho.

Pour sa part Kama Danso, président des jeunes de Kolia a déploré le sort des populations.

«L’exploitation traditionnelle de l’or a toujours existé ici depuis très longtemps. Nous n’avions jamais eu de problèmes. Mais depuis que les chinois ont commencé à exploiter de l’or, nous avons connu cette année une inondation qui n’a jamais existé ici. Parce que le sable perforé dans les puits, on les jette dans le fleuve. Et le fleuve est presque rempli de sable. Ce qui fait qu’en période de crue avec l’hivernage, l’eau est montée et a ravagé nos maisons, des champs qui ont été envahis par l’eau». Pour cause, dit-il, «le niveau de l’eau n’a jamais atteint ce niveau-là. Parce que ce sont les rebords du fleuve exploités par les chinois. Les travaux continuent jusqu’à présent, malgré le décret. Et c’est dans tout le département. C’est un peu décevant quand même et déplorable que le Président prenne une décision un décret et que cela ne soit pas respecté».

«Quand on veut s’opposer, on nous amène les gendarmes pour nous dissuader»

Le Président des jeunes de Kolia a manifesté son indignation face à cette situation. «Quand on veut s’opposer, on nous amène les forces de l’ordre pour nous dissuader. On ne sait pas s’ils sont en complicité avec les autorités ou non. C’est quand même déplorable et décevant. Et de l’autre côté du Mali aussi, il y a des chinois qui font du dragage là-bas. Vous savez comment est le fleuve. Il est rempli de sable. Je pense qu’aujourd’hui pour sauver la Falémé, ça doit se faire de manière combinée. Le Mali garde son côté et le Sénégal garde le sien»

 

Source Vox populi

Oumou Khaïry NDIAYE
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