Financement : Privé du soutien du FMI, le Sénégal se tourne vers les investisseurs régionaux

Agence Ecofin – Privé de l’appui du FMI après la révélation de dettes non déclarées, le Sénégal compte sur le marché régional pour lever 150 milliards FCFA. Une émission test pour jauger la confiance des investisseurs face à une situation budgétaire dégradée.

Le gouvernement sénégalais a lancé, ce vendredi 28 mars 2025, une émission obligataire par appel public à l’épargne pour un montant de 150 milliards FCFA (environ 247 millions $), ont annoncé les autorités financières. L’opération s’inscrit dans une stratégie de financement domestique, alors que le pays fait face à une restriction de son accès aux marchés internationaux.

Répartie en quatre tranches allant de 3 à 10 ans, cette levée de fonds offre des taux d’intérêt allant de 6,40% (pour la tranche A sur 3 ans) à 6,95% (pour la tranche D sur 10 ans). La tranche principale, de 70 milliards FCFA sur 5 ans, est proposée à un taux de 6,60%. Les souscriptions sont ouvertes jusqu’au 18 avril 2025. L’opération est arrangée par Invictus Capital & Finance et vise à couvrir une partie des besoins budgétaires pour l’exercice 2025.

Cette levée de fonds intervient dans un contexte de tension sur les finances publiques du Sénégal. Mardi 25 mars, le Fonds monétaire international (FMI) a confirmé l’existence de 7 milliards de dollars de dette non déclarée, contractée entre 2019 et 2024 sous l’administration précédente. Ces engagements, qualifiés de « passifs non comptabilisés », concernent notamment des garanties d’Etat, des dettes d’entreprises publiques ou des partenariats public-privé.

A la suite de ces révélations, le FMI a suspendu son programme de financement de 1,8 milliard de dollars avec le Sénégal, conditionnant toute reprise à la réalisation d’audits complets et à l’adoption de réformes budgétaires structurelles. Le pays devra attendre au moins jusqu’en juin pour qu’un nouveau cadre de coopération soit examiné, selon des sources proches du dossier.

Les marchés financiers ont réagi défavorablement à cette situation. Les euro-obligations sénégalaises ont enregistré une nette décote sur les places internationales, accompagnée d’un élargissement des spreads souverains. Depuis les révélations de la Cour des comptes, l’agence Moody’s a abaissé la note du pays à B3, avec une perspective négative, suivie par Standard & Poor’s, qui a rétrogradé la note de B+ à B, également assortie d’une perspective négative. Plusieurs analystes estiment que le Sénégal est désormais confronté à un risque de refinancement accru. Selon les données officielles, la dette publique s’élevait à environ 76% du PIB fin 2023, avant la prise en compte des passifs nouvellement identifiés. Elle atteindrait désormais 99,67% du PIB, tandis que le déficit budgétaire, initialement estimé à 4,9% pour l’année 2023, aurait en réalité dépassé les 12%.

Dans ce contexte, l’Et privilégie le recours au marché régional, jugé plus accessible et moins volatil. Le marché financier de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) permet aux Etats membres d’émettre des titres en francs CFA auprès d’investisseurs institutionnels locaux et régionaux. Pour cette émission, le Sénégal sollicitera le segment de la syndication, tandis que le compartiment des adjudications, géré par UMOA-Titres et plus actif, a déjà permis aux pays de l’Union de lever près de 3000 milliards FCFA au cours du premier trimestre, la Côte d’Ivoire en tête avec plus de la moitié de ce montant. Sur ce même segment, le pays de la Teranga a levé 360 milliards FCFA sur les trois premiers mois de l’année et prévoit de mobiliser encore 250 milliards FCFA au deuxième trimestre.

« Le Sénégal propose des coupons légèrement inférieurs ou alignés aux taux du marché secondaire jusqu’à 7 ans, mais offre une prime significative à 10 ans, ce qui traduit une volonté d’attirer fortement la demande sur cette maturité longue, potentiellement moins prisée dans le contexte actuel. Ce coupon attractif à 10 ans montre également que les autorités cherchent à renforcer la partie longue de leur courbe domestique, à un moment où l’accès aux euro-obligations est fortement compromis par la décote », analyse un spécialiste du marché.

Toutefois, la capacité d’absorption de ce marché reste limitée, et une sollicitation excessive, comme on peut le voir avec la Côte d’Ivoire pourrait entraîner un effet d’éviction au détriment d’autres émetteurs publics.

Le président, Bassirou Diomaye Faye, et son Premier ministre, Ousmane Sonko, devront faire face à des arbitrages budgétaires complexes. Le redressement des finances publiques, la restauration de la confiance des investisseurs et la reprise des relations avec le FMI figurent parmi les principales priorités.

Momar Diack SECK
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