La dette publique n’est ni un poison ni une potion magique et il ne s’agit ni de l’interdire ni de l’annuler. Il a été possible de vivre avec depuis près de cinquante ans, et ce sera encore le cas demain grâce à des ajustements pragmatiques et des politiques économiques innovantes et souples.
Au contraire de cela, les gouvernements occidentaux et les « partenaires au développement » la présentent aujourd’hui comme l’enjeu économique principal. Cette focalisation excessive transforme ce qui devrait être un simple instrument de politique économique en une fin politique en soi, créant ainsi une confusion dommageable pour le débat public.
L’augmentation des ratios d’endettement public n’est pas un phénomène récent. Elle s’inscrit dans une trajectoire longue débutée dans les années 1980. Cette période a coïncidé avec la déréglementation financière, la libéralisation des mouvements de capitaux et l’abandon progressif des politiques de plein emploi au profit de la concurrence généralisée. La dette actuelle résulte donc directement des choix politiques et économiques effectués depuis quatre décennies.
Il est fondamentalement erroné de présenter la dette publique comme la cause des problèmes économiques actuels alors qu’elle en est principalement la conséquence. Cette inversion de la causalité permet d’éviter d’aborder les questions essentielles de la régulation financière et bancaire, dont l’absence a largement contribué aux crises récentes. Loin d’être un frein à l’investissement privé, elle constitue un instrument essentiel de stabilisation économique et de croissance, car elle permet d’assurer l’accès aux ressources financières. Les données statistiques disponibles confirment ce rôle positif lorsque la dette est utilisée à bon escient.
Les politiques d’austérité centrées sur la réduction à tout prix de l’endettement public sont contre-productives. Elles aggravent les difficultés économiques et sociales qu’elles prétendent résoudre, réduisant ainsi la capacité d’intervention de l’État dans des secteurs essentiels comme l’éducation, la santé ou les infrastructures, et compromettant ainsi les perspectives de croissance à long terme.
Afin d’ avoir un débat économique plus équilibré, il faut replacer la question de la dette publique dans son contexte réel, en l’analysant comme un outil parmi d’autres au service d’une politique économique visant la prospérité collective, et non comme un fardeau dont la réduction constituerait une priorité absolue.
Cherif Salif Sy