Infos hebdomadaires de Transparency International : « Les États-Unis doivent rester engagés dans la lutte contre la corruption mondiale »

Lundi, Donald Trump a entamé son deuxième mandat de président des États-Unis. Son investiture a réuni un groupe de milliardaires du secteur technologique, dont au moins un fait désormais partie du gouvernement, ce qui suscite des inquiétudes quant aux conflits d’intérêts et à l’accès à des informations officielles privilégiées. Vient ensuite la question de l’influence : dans quelle mesure les personnes qui ont financé la campagne et l’investiture du président influenceront-elles l’élaboration des politiques ? Il n’a fallu qu’un jour après son investiture pour que les milliardaires du secteur des énergies fossiles bénéficient d’au moins trois décrets présidentiels, qui ont fait avancer leurs intérêts et ont vu leur richesse augmenter de 3,31 milliards de dollars .

On sait peu de choses sur les projets de la nouvelle administration pour lutter contre la corruption dans le monde. Au fil des ans, les États-Unis ont joué un rôle de premier plan dans la lutte mondiale contre la corruption par le biais de différentes initiatives. Dans le même temps, ils ont également servi de refuge pour les fonds illicites , provenant souvent de pays qui en ont cruellement besoin. Récemment, cependant, les gouvernements américains ont reconnu ces vulnérabilités et ont pris des mesures législatives concrètes pour y remédier. Ces actions ont donné l’espoir – non seulement à Transparency International, mais aussi aux victimes de la corruption dans le monde entier – que la tendance pourrait enfin tourner contre les corrompus.

Au cours du premier mandat du président Trump, le Congrès a adopté la loi sur la transparence des entreprises (Corporate Transparency Act, CTA) , qui oblige certaines entreprises à fournir des informations sur la propriété effective aux autorités américaines. Cette loi permet de lutter contre les sociétés écrans anonymes que les criminels et les fonctionnaires corrompus utilisent pour cacher et déplacer de l’argent sale.

Depuis lors, de nouvelles règles anti-blanchiment couvrant les secteurs de l’immobilier résidentiel et de l’investissement privé aux États-Unis ont été élaborées. Il existe également un soutien bipartisan croissant en faveur d’une législation visant à inclure les avocats, les comptables et d’autres prestataires de services aux entreprises dans les protocoles de lutte contre le blanchiment d’argent. Les opposants à la CTA ont tenté à plusieurs reprises de contester les dispositions de la loi devant les tribunaux, mais cette semaine, la Cour suprême des États-Unis a décidé de lever l’injonction empêchant les autorités américaines d’appliquer la loi.

Nous militons depuis longtemps en faveur de règles internationales plus strictes pour mettre fin aux abus des sociétés anonymes et étendre les exigences de diligence raisonnable aux professionnels fournissant des services financiers et aux entreprises. Notre travail visant à révéler les lacunes des lois américaines anti-blanchiment a contribué à façonner la CTA, mais son impact réel dépendra largement de sa mise en œuvre adéquate.

Un autre domaine dans lequel les États-Unis doivent poursuivre leur travail de lutte contre la corruption est la lutte contre la corruption étrangère. À cette fin, l’application de la loi sur les pratiques de corruption à l’étranger (Foreign Corruption Practices Act, FCPA) ainsi que de la loi sur la prévention de l’extorsion à l’étranger (Foreign Extortion Prevention Act , FEPA) récemment adoptée sera essentielle. La FEPA, adoptée en 2023, a érigé en infraction pénale le fait pour tout fonctionnaire étranger – y compris tout haut fonctionnaire actuel ou ancien ou membre de sa famille immédiate – de demander ou d’accepter un pot-de-vin d’un citoyen américain, d’une entreprise américaine ou de toute entreprise cotée en bourse aux États-Unis. Transparency International US et ses sections à travers le monde ont joué un rôle clé dans la transformation de la FEPA en loi, en montrant, par le biais de plaidoyers sur le terrain et de témoignages, comment elle pouvait perturber les cycles de corruption qui avaient pris le contrôle des dirigeants politiques.

Transparency International et ses sections ont la possibilité de constituer un vivier de propositions solide qui permettra au gouvernement américain de faire appliquer véritablement le FCPA et le FEPA. Les États-Unis pourraient même aider les gouvernements étrangers qui souhaitent agir mais ne le peuvent pas, faute de ressources ou de capacités, à traduire leurs responsables en justice. Pour cela, le Congrès américain doit cependant financer de manière adéquate les services de lutte contre la criminalité financière et l’indépendance du système judiciaire, et des mécanismes efficaces de contrôle et d’équilibre des pouvoirs doivent être garantis. Leur application, ainsi que d’autres outils nécessaires, ne doivent pas être politisées, sinon tous les progrès réalisés dans la législation anti-corruption risquent d’être anéantis.

À l’avenir, il est essentiel de réfléchir à la manière dont cette administration continuera de lutter contre la corruption, tant au niveau national qu’international. Notre engagement reste ferme : veiller à ce que les États-Unis ne servent plus de plaque tournante mondiale du blanchiment d’argent et garantir que les mesures de lutte contre la corruption soient alignées sur des objectifs plus larges et ne soient jamais exploitées pour faire avancer des intérêts étroits ou égoïstes. Aujourd’hui plus que jamais, nous devons nous rappeler qu’un monde sans corruption n’est pas une fin en soi, mais un moyen de parvenir à une prospérité économique partagée, de protéger les droits de l’homme et de favoriser la paix et la sécurité

Transparency International 

Pape Ismaïla CAMARA
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