Le prix du kilo d’arachide fixé à 280 F : les paysans vers une meilleure offre auprès des exportateurs étrangers, de gros nuages sur les huiliers nationaux

Extraits Reportage de Vox populi-A défaut de bloquer leurs récoltes jusqu’à ce que l’Etat revoie à la hausse le prix plancher du kilogramme d’arachide fixé à 280 FCFA, nombre de producteurs des régions de Thiès, Louga, Diourbel, Kaolack, Kaffrine etc., ont commencé, comme l’année dernière, à faire affaire avec les exportateurs étrangers qui proposent une offre meilleure que celle annoncée par l’Etat.

Une décision que le Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR), par la voix de son porte-parole, approuve. «Nous ne sommes pas d’accord avec ce prix au kilogramme d’arachide dès l’instant qu’il n’est pas indexé à nos coûts de production», se veut clair Sidy Ba, joint, hier, au téléphone.

Normalement, dit-il, si on donne un prix plancher, on doit tenir compte du coût de production des producteurs. «

«C’est un prix plancher, mais même si on vend à 280 FCFA, on vend à perte. Une perte de l’ordre de 35 F. S’il était indexé entre 315 et 325F, on l’aurait accepté», fait savoir M. Ba, également Secrétaire général du cadre de concertation des producteurs agricoles de Kaolack. Selon lui, vouloir majorer le prix de l’année de 5F est «très insignifiant» puisque, signale-t-il, dans le marché parallèle, les gens vendent à 325F et quelquefois à 350F. A ce rythme, Sidy Ba dit se faire des soucis pour les huiliers nationaux qui risquent de ne pas se retrouver avec assez de matière première.

«Ce qui leur est arrivé l’année dernière risque de se reproduire», craint-il. Il rappelle que ces derniers avaient tablé sur les 275 F et les autres sont rentrés dans le marché avec de meilleures offres pour tout rafler.

«Au dernier moment, ils ont essayé de s’aligner au même niveau de prix que les exportateurs, mais c’était trop tard. Ils n’ont pas pu collecter 100 000 tonnes, tous les huiliers de la place réunis. La SO­NACOS n’avait que 22 000 tonnes ; COPEOL était dans l’ordre de 15 000 tonnes. Les autres n’ont pas pu collecter», relève le porte-parole du CNCR. Sidy Ba croit savoir que le gouvernement est obnubilé par le niveau de production de 1,7 million de tonnes d’arachide au point d’estimer que tout le monde aura son comptant de graines. Mais, avertit-il, «avec le prix plancher fixé à 280 F proposé, cela nous laisse sur notre faim».

Plus encore, il déclare que si l’Etat pense avoir suffisamment subventionné l’agriculture avec ses 100 milliards FCFA pour déterminer le prix du kg d’arachide à ce prix, que l’opinion sache que cette enveloppe n’était pas seulement destinée à la culture arachidière.

«Il y a tout là-dans : le mil, l’arachide, le maïs, les engrais mil, arachide. Et ce qu’il faut savoir et qui ne semble pas agréer l’Etat, c’est que là où il a mis 1, les paysans ont mis 2. Au niveau des commissions, tu ne peux acheter qu’un sac d’engrais et qu’un sac d’arachide. Et il faut 3 sacs d’arachide pour emblaver un hectare, il faut 3 sacs d’engrais pour fertiliser un hectare. Et leur 1, il est subventionné à 8 000 FCFA, alors que nos 2 ne sont pas subventionnés et nous coûtent 32 000 FCFA. Cette année, on a acheté le kilogramme d’arachide décortiqué à 1250 FCFA, le sac nous est revenu à entre 110 000 et 125 000 FCFA. Ajouter à cela, les frais consentis chaque année par les paysans pour conserver chez eux leurs stocks d’arachide de janvier à mai, c’est beaucoup d’argent», explique Sidy Ba.

 

Sous sa double casquette de présidente de la Fédération nationale des femmes rurales du Sénégal (FNFRS) ; présidente nationale de la Fédération des associations féminines du Sénégal (FAFS), Ndiouck Mbaye est aussi vent debout contre le prix plancher du kilogramme d’arachide fixé à 280 F.

Pointant le doigt accusateur sur le Comité national interprofessionnel de l’arachide (CNIA) qui fixe le prix, elle pense que celui-ci devait entrer en contact avec les paysans d’abord.

Mais, lâche-t-elle, toute dépitée, «il ne contacte personne, il fait ce qu’il veut».

 

A la tête de 302 mille de femmes rurales, toutes actives dans l’agriculture, Ndiouck Mbaye rappelle que les paysans avaient demandé à l’Etat de leur acheter le kilogramme d’arachide à 500 F ou au minimum à 350 F.

«Ce n’est pas bon et ce n’est pas facile, non plus, pour les paysans que nous sommes aussi d’acheter le kilogramme d’arachide à 1200 F dans le marché. Les femmes louent l’hectare de terre à 75 000 FCFA ; l’hectare prend 100 kg d’arachide et trois sacs d’engrais. Si tu achètes les 100 kg d’arachide à 120 000 FCFA, tu achètes les trois sacs d’engrais à 66000 FCFA, si l’hivernage n’est pas très bon et qu’on veuille te prendre le kilogramme d’arachide à 280F. Qu’ils sachent que cela ne représente absolument rien par rapport au coût de production», martèle Ndiouck Mbaye.

D’ailleurs, elle estime que le prix plancher à 280F n’est pas bon pour le gouvernement, pour l’économie nationale, notamment pour les huiliers à savoir la SONACOS, COPEOL etc. pour la bonne raison que les producteurs vont, de droit, préférer vendre leurs productions aux exportateurs chinois et autres qui proposent une bien meilleure offre.

«Ce n’est pas bon. Il ne faudrait pas que cette arachide sorte du Sénégal qui en a besoin pour faire fonctionner ses usines et préserver les emplois. Le Sénégal a la meilleure qualité de production arachidière raison pour laquelle tout le monde vient chez nous pour acheter le produit. Si l’Etat laisse les paysans vendre leurs récoltes aux étrangers, lui seul sera responsable des difficultés auxquelles feront face les huiliers nationaux pour trouver la graine d’arachide. Il aurait fixé le prix plancher à 350F, on l’aurait accepté, mais au prix de 280F, nous ne sommes pas d’accord», déclare Mme Mbaye.

Extraits Reportage de Vox populi

Mamadou Nancy Fall
Up Next

Related Posts