Macky Sall a porté un coup politique écrasant au Sénégal *Par Paul Ejime

Après avoir entraîné son pays et la région dans des montagnes russes inutiles, le président Macky Sall du Sénégal a finalement capitulé. L’élection présidentielle du 24 février 2024, qu’il avait tenté de reporter par tous les moyens, aura désormais lieu le 24 mars, grâce à la position intransigeante de la population soutenue par l’activisme de la société civile.

Sall n’avait pas réussi à reporter l’élection présidentielle grâce à un décret présidentiel et à une loi controversée adoptée à la hâte par l’Assemblée nationale après que les députés de l’opposition aient été destitués des chambres par la police paramilitaire.

Le Conseil constitutionnel, qui a le dernier mot en matière électorale, a dû intervenir pour annuler comme inconstitutionnels le décret et la loi, que l’opposition a qualifié de « coup d’État constitutionnel », un syndrome malin provoquant l’instabilité politique dans la région.

Insensible aux tensions politiques et aux manifestations de rue sporadiques qui ont tué au moins 20 personnes entre juin 2023 et le mois dernier et avec des dizaines de personnes en détention, Sall a poursuivi son projet voué à l’échec en appelant à un dialogue national pour fixer une nouvelle date pour l’élection présidentielle après le scrutin. Verdict accablant du Conseil constitutionnel.

Il a également porté son combat jusqu’au dernier sommet de la CEDEAO, accusant la Commission d’agir comme une organisation de la société civile pour avoir osé exhorter son gouvernement à respecter le calendrier électoral et les dispositions de la constitution du pays.

Le jeu politique douteux de Sall a désormais atteint son terme. Le Conseil constitutionnel a rejeté mercredi les résultats du dialogue national, qui avait fixé au 2 juin la nouvelle date de l’élection présidentielle.

Le Conseil insiste sur le fait que le vote doit avoir lieu avant le 2 avril, date de fin du mandat de Sall.

En conséquence, le Conseil des ministres du Sénégal a fixé au 24 mars la nouvelle date de l’élection présidentielle.

« Le président de la République a informé le Conseil des ministres que la date de l’élection présidentielle avait été fixée au dimanche 24 mars », indique le Conseil dans un communiqué.

Par ailleurs, mercredi soir, Sall a annoncé la dissolution du gouvernement et le remplacement du Premier ministre Amadou Ba par le ministre de l’Intérieur Sidiki Kaba.

 

Selon la présidence, cette décision vise à permettre à Ba, le candidat de la coalition au pouvoir, de se concentrer sur sa campagne électorale.

 

Des sources officielles de la Commission électorale du Sénégal (CENA) ont indiqué jeudi à Dakar que la Commission « est prête pour l’élection présidentielle ».

 

La constitution du Sénégal autorise trois semaines pour les campagnes électorales avant le vote présidentiel, mais les constitutionnalistes conviennent que les parties prenantes doivent s’adapter à « la situation exceptionnelle actuelle » pour sauver le pays de nouvelles tensions politiques.

 

La constitution prévoit également un second tour après trois semaines au cas où aucun des candidats à la présidentielle ne parviendrait à obtenir les 50 % +1 requis.

 

Le Conseil constitutionnel a en outre recommandé que, conformément aux dispositions de la Constitution, le Président/Président de l’Assemblée nationale succède au Président de la République sortant Sall et supervise ce second tour des élections.

 

De nombreux Sénégalais ont été surpris que Sall, qui était l’un des principaux bénéficiaires de l’opposition au troisième mandat de son prédécesseur le président Abdoulaye Wade, envisage une voie similaire pour prolonger son séjour au pouvoir.

Sous la pression locale et internationale, Sall avait déclaré à contrecœur à ses compatriotes en juillet 2023 qu’il ne serait pas candidat aux élections de 2024.

Au 2 avril, il aurait exercé 12 ans et les deux mandats présidentiels obligatoires prévus par la Constitution, après avoir été Premier ministre et président de l’Assemblée nationale.

Ses actions malheureuses ont jeté le Sénégal sous un mauvais jour, entamant ses références démocratiques en tant que point d’ancrage de la stabilité dans la région politiquement agitée de la CEDEAO.

Le Sénégal se targue souvent d’être le pays de la « Teranga » (un endroit paisible) et le seul pays à n’avoir pas été témoin d’un coup d’État militaire dans la zone dite du coup d’État.

Quatre des 15 États membres de la CEDEAO (Mali, Guinée, Burkina Faso et Niger) sont désormais sous dictature militaire et trois d’entre eux (Mali, Burkina Faso et Niger) menacent de se retirer de l’organisation régionale.

Une résolution pacifique de la crise politique au Sénégal constituerait un répit bienvenu pour l’organisation régionale en difficulté et une opportunité pour elle de recalibrer ses stratégies de gestion et de résolution des conflits.

L’échec de l’aventure politique de Sall devrait également servir de leçon aux dirigeants de la CEDEAO, largement blâmés pour le manque de leadership, la mauvaise gouvernance et l’instabilité socio-économique et politique qui en découle dans la région.

*Ejime, auteur, est analyste des affaires mondiales et consultant en communications sur la paix, la sécurité et la gouvernance.

Momar Diack SECK
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