Maires Emprisonnés «Ils peuvent demander l’autorisation au Procureur de quitter leur cellule pour aller présider un Conseil municipal et retourner en prison»

Inculpés suite à l’affaire Ousmane Sonko, ils sont au moins cinq maires à administrer leur commune depuis leur cellule. Une prérogative qu’ils peuvent continuer à exercer tant qu’ils ne sont pas condamnés.

Placé sous mandat de dépôt depuis 18 jours maintenant, le maire de Ziguinchor a emporté dans son malheur plusieurs autres édiles fidèles à sa cause. Maïmouna Dièye de la Patte d’Oie, inculpée pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Djamil Sané des Parcelles Assainies, sous mandat de dépôt pour appel à l’insurrection.

Alpha Bocar Khouma de Sangalkam écroué pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Mouhamed Bilal Diatta de Keur Massar, poursuivi pour atteinte à la sûreté de l’État.Autotal,ils sontunpeuplusde654 000 Sénégalais, dont la destinée communale est entre les mains de détenus.

Un paradoxe qui pourrait être fatal à la fonction de maire, s’il n’était prévu par la loi. Selon le Code général des collectivités territoriales, un maire exerce la plénitude de ses fonctions tant qu’il n’est pas condamné.

En clair, bien que dans les rigueurs de la détention, ces cinq maires gardent toutes leurs prérogatives administratives. D’autant plus que l’équipe communale est composée telle qu’il suffit d’une coordination administrative pour la gestion des affaires courantes. S’il le souhaite donc, le maire peut continuer à gérer ses dossiers à partir de sa cellule. Ou alors il peut déléguer ses pouvoirs à des adjoints ou conseillers en cas d’empêchement des adjoints.

La sollicitation exclusive du premier magistrat n’intervient que s’il y a nécessité de signatures. Là encore, les mêmes dispositions qui lui confèrent ses droits citoyens, lui permettent d’exercer ce devoir. Inculpé dans l’affaire de la Caisse d’avance, Khalifa Sall, alors maire de Dakar, continuait à administrer la capitale et à apposer sa signature depuis sa cellule.

De même qu’Idrissa Seck, derrière les barreaux à cause de l’affaire des Chantiers de Thiès, continuait à remplir ses fonctions.

«Je vais aller plus loin, ils peuvent même demander l’autorisation au Procureur de quitter leur cellule pour aller présider un Conseil municipal et retourner en prison. Rien ne l’interdit et cela se fait ailleurs», informe le spécialiste en Décentralisation, Amadou Sène Niang, qui insiste sur l’importance et la sacralité de la fonction.

Une sacralité conférée par le suffrage des citoyens, mais qui peut, cependant, être révoquée par décret présidentiel suivant des cas bien précis. Et ils impliquent tous une condamnation pour crime ou pour l’une des raisons énumérées dans le Code général des Collectivités territoriales. «Lorsque le maire ou tout autre conseiller municipal est condamné pour crime, sa révocation est de droit», dit l’article 135 complété par le 140 qui énumère les huit fautes qui peuvent valoir à l’édile son poste.

Entre autres, un fait prévu et puni par la loi instituant la Cour des comptes, l’utilisation des deniers publics de la commune à des fins personnelles ou privées et la spéculation sur l’affectation des terrains publics. En août 2018, il avait fallu moins de 24H à MackySall pour signer le décret de révocation de Khalifa Sall de ses fonctions de maire de la capitale, après que ce dernier a été condamné pour «faux en écritures publiques» et «utilisation des deniers publics de la commune à des fins personnelles ou privées»

L’Obs

Michel DIEYE

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