La loi interprétative de la loi d’amnistie n’a pas sa raison d’être, selon Me Doudou Ndoye. Cela n’existe pas dans le langage judiciaire, a fait savoir l’avocat lorsqu’il s’est agi de donner son avis sur ce nouveau texte législatif, qui a été adopté au début du mois d’avril et portant l’initiative du député Amadou Bâ.
«Je souhaiterais qu’un professeur de Droit, un avocat, un magistrat français, ivoirien, congolais, béninois, sénégalais, me disent s’ils ont déjà vu une loi qui vient dire : «Je viens interpréter ma précédente loi.» Alors, nous sommes devant un nouveau déni juridique au Sénégal. Quelqu’un qui nous crée un système juridique nouveau, qui nous apporte ça et qui dit : «Je vais voter une loi interprétative.»», déclare Me Doudou Ndoye dans l’émission «Le Grand jury» qui passait hier sur la Rfm.
Me Ndoye affiche par ailleurs son espoir de voir aboutir le recours introduit par l’opposition parlementaire au niveau du Conseil constitutionnel.
«Je ne peux pas prétendre que le Conseil constitutionnel se dira incompétent. Celui qui le pense, il pense, il ne fait que penser. Le Conseil constitutionnel jugera et dira ce qu’il en sera», soutient l’avocat.
Me Doudou Ndoye a également manifesté son désaccord avec le Président Bassirou Diomaye Faye. Cela fait suite aux propos du chef de l’Etat qui estime que le Peuple a le droit de mettre la pression sur la Justice.
Me Ndoye juge «insensée» l’idée de remplacer le Conseil constitutionnel par une Cour constitutionnelle.
«Le mot «Cour constitutionnelle», l’appellation «Cour constitutionnelle» n’a aucun intérêt. Ce qu’il y a comme intérêt, c’est la mission, ce n’est pas le nom. Le nom n’a aucun intérêt. Ce que nous avons à faire, ce que les membres du Conseil constitutionnel ont à faire pour le bien du Sénégal, c’est ça qui est important», plaide Me Ndoye.
Ce dernier n’est pas pour que le président de la République continue de siéger au sein du Conseil supérieur de la Magistrature. «Si j’avais un choix à faire, je dirais que le chef de l’Etat ne serait pas membre du Conseil supérieur de la Magistrature.» Tel est l’avis tranché de Me Doudou Ndoye sur la question relative à l’organisation et la composition du Conseil supérieur de la Magistrature (Csm). Mais l’avocat tient tout de même à préciser que le chef de l’Etat aura son mot à dire par rapport aux décisions du Csm.
«Toute décision du Conseil supérieur de la magistrature lui sera soumise afin qu’il puisse contrôler et apporter son visa avant qu’elle ne soit appliquée», fait remarquer Me Ndoye. Ce dernier parle de cette nuance qui, selon lui, vise à préserver l’équilibre entre indépendance judiciaire et autorité institutionnelle, tout en posant les jalons d’une refonte plus ambitieuse de la fonction présidentielle. «Je veux à la tête du Sénégal un véritable chef d’Etat», a-t-il affirmé, insistant sur la nécessité de réformes structurelles fortes.
Me Ndoye a opposé un refus catégorique à la possibilité d’ouvrir le Conseil supérieur de la Magistrature à d’autres composantes de la société. «Non. Absolument pas !», répond-il, sec. Le Csm est une institution spécialisée qui doit rester entre les mains de ceux qui en connaissent les arcanes. «Le magistrat est le magistrat. Le magistrat est un corps ferme, un corps qu’on doit respecter», argue-t-il, avant de dire que le Csm est taillé exclusivement pour les magistrats.
«Le Conseil supérieur de la Magistrature, qui s’occupe de la carrière des magistrats, ne peut être constitué que par des magistrats, tout comme l’Assemblée nationale ne peut être composée que de députés», avance Me Ndoye.
Indépendance de la Justice
Le débat sur l’indépendance de la Justice et le rôle du président de la République dans la gouvernance judiciaire est relancé par l’avocat à un moment où les attentes citoyennes en matière de réforme institutionnelle sont de plus en plus pressantes.
Me Doudou Ndoye a par ailleurs une pensée pieuse à l’endroit de Me Koureychi Bâ et Mamadou Badio Camara, président du Conseil constitutionnel, qui viennent de quitter ce monde. Il leur a rendu un vibrant hommage pour le service qu’ils ont rendu à la Justice sénégalaise.
LeQuotidien