La levée de l’immunité de Farba Ngom au cœur de quasiment tous les débats, n’a pas laissé la société civile insensible à tout, dans cette affaire. Moundiaye Cissé, Directeur exécutif de l’ONG-3D, s’est félicité de ce qui a été fait, mais il a demandé que la loi s’applique dans toute sa rigueur à l’encontre de tous ceux qui sont impliqués dans les faits qui ont valu à Farba le traitement dont il fait l’objet.
«Aujourd’hui on parle de Farba Ngom. C’est bien ! Mais, ce ne sont ni des djinns, ni des anges qui lui ont remis cet argent dont on parle. De l’argent retiré des caisses de l’Etat et remis à untel… avant de dire quoique ce soit à ce destinataire (Farba Ngom), il y a des gens qui lui ont remis ces fonds. On ne parle nulle part de ceux qui lui ont permis de recevoir ces fonds publics des caisses du Trésor public», a-t-il déclaré, alors qu’il était l’invité de Selebe Yoon de Walfadjri.
«Si 125 milliards sont sortis des caisses du Trésor, c’est parce qu’il y a une autorité contractante qui l’a autorisé»
De l’avis de M. Cissé, «les Sénégalais attendent, aujourd’hui, que la justice fasse son travail, mais sans verser dans du favoritisme. Ce que nous ne voulons pas, c’est une politique de deux poids deux mesures. Tant que, dans les procédures, on respecte les droits de la défense, nous n’y voyons aucun inconvénient. Et, il faut signaler aussi que la levée de son immunité parlementaire ne veut pas dire qu’il perd son mandat de député. Mais, encore une fois, la machine judiciaire ne doit pas s’arrêter après l’affaire Farba Ngom, parce qu’il n’est que l’arbre qui cache la forêt».
Pour lui, «le problème, ce n’est pas seulement Farba Ngom. L’on doit aussi enquêter sur celui qui a donné ces fonds à Farba Ngom, c’est un inspecteur du Trésor ; celui ou ceux qui ont transféré cet argent. On suppose que s’il y a décaissement, c’est parce tous les documents nécessaires ont été fournis. Donc, il y a une chaine de responsabilités, à mon avis. Je suppose, aujourd’hui, que c’est Farba Ngom qui ouvre la marche, mais que d’autres vont suivre. Et ce, pour la simple raison que si 125 milliards sont sortis des caisses du Trésor, c’est parce qu’il y a une autorité contractante, quelqu’un qui ordonne des dépenses qui l’a autorisé. Dès lors, on doit identifier celui qui a autorisé le transfert de ces 125 milliards. Voilà pourquoi je disais qu’il faudra prendre en compte tous ces aspects de sorte qu’on ne pourra plus parler de raisons politiques, ou d’acharnement».
A l’en croire, «le problème ce n’est pas les personnes, mais c’est plutôt le système que nous avons. On peut donc parler de corruption ou de détournement de deniers publics, mais la véritable question est de savoir qui et qui lui ont viré ces fonds».
A ses yeux, «c’est clair que si le président Macky Sall était encore là, Farba n’aurait pas eu les soucis actuels. Cela montre qu’une personne peut bloquer tout le système. Aujourd’hui, on doit faire donc, en sorte, qu’au lieu d’avoir des hommes vertueux seulement, qu’on ait un système vertueux. C’est-à-dire un système qui ne saurait permettre à personne de pouvoir voler», a-t-il ajouté.
Acteur de la société civile, il a relevé la nécessité «de reformer les système de contrôle et les organes de contrôles. On veut aussi qu’aucun président ne puisse plus avoir de mainmise sur les rapports des corps de contrôle. Parce que c’est souvent après un changement de régime que l’on voit sortir certains dossiers. Il faudra alors, avant tout retrait d’argent, une longue procédure de décaissement avec beaucoup de signatures au préalable», a-t-il dit.
«On veut aussi qu’aucun président ne puisse plus avoir de mainmise sur les rapports des corps de contrôle»
A l’en croire, «il est important d’avoir une méthodologie et une pédagogie, sur comment mener une reddition des comptes. Parce que, dit-il, le cas Farba Ngom, c’est plus une affaire de corruption que de blanchiment d’argent ou de reddition des comptes. Farba Ngom n’a jamais géré de fonds publics, donc lui, il est un bénéficiaire des biens publics. Il est, donc important de retracer cet argent, provenant du Trésor public», a-t-il indiqué avant d’interpeler l’Etat.
«Nos autorités doivent agir en suivant une méthodologie, de sorte que les gens ne vont pas croire qu’il y a eu un acharnement ou une politique de deux poids deux mesures. Une reddition des comptes est tout à fait normale dans un pays. Il y a des organes chargés de faire la reddition des comptes». C’est le cas de la Cour des Comptes qui, selon lui, fait le contrôle juridictionnel des comptes publics. Mais, nous constatons qu’elle produit parfois des rapports qu’elle remet au procureur mais qui n’aboutissent à rien. La Cour des comptes peut convoquer certains et les obliger à rembourser, sans que cela ne soit connu du grand public», a indiqué Moundiaye Cissé.
«Tant que, dans les procédures, on respecte les droits de la défense, nous n’y voyons aucun inconvénient»
Parlant toujours de Farba Ngom, qui bénéficie encore d’une présomption d’innocence, il a relevé que tout découle d’une déclaration de soupçon. «Il y a ceux qu’on appelle les assujettis comme les banquiers, les notaires, les financiers … la loi leur impose, c’est une obligation, une fois face à des soupçons sur certains fonds, de saisir la Cellule nationale de traitement des informations financières du Sénégal (Centif). Cette dernière structure, avant de faire quoique ce soit, rassemble les dossiers et ouvre une enquête, parce qu’on parle de déclaration de soupçon. Ledit corps de contrôle a ses enquêteurs, mais peut utiliser la police, la gendarmerie ou d’autres organes qui sont à l’étranger pour tirer au clair ces soupçons».
En parlant de soupçon, il signale que «pour le cas Farba Ngom, on dit que dans l’année quelque 125 milliards ont transité dans son compte. Donc, il est normal de le convoquer et de lui demander des explications. Même si, pour le moment, il n’y a aucun rapport qui dit que c’est de l’argent mal acquis». Selon lui, «c’est une enquête qui va tout tirer au clair. Et pour pouvoir mener cette enquête, il était nécessaire de lever son immunité parlementaire».
Vox Populi