Pénurie de médicaments au Sénégal : Les patients en détresse, les soignants désemparés

Les ruptures fréquentes de certains médicaments essentiels pour le traitement de diverses pathologies plongent les malades dans l’angoisse. Cette situation affecte non seulement les patients et leurs proches, mais également le personnel soignant, confronté à l’indisponibilité chronique de produits tels que les produits de contraste. Les conséquences sont dramatiques : certains patients décèdent, tandis que d’autres subissent des complications graves liées à leur maladie.

Un suivi médical adéquat d’une pathologie diagnostiquée repose sur la disponibilité continue des médicaments, indispensable pour stabiliser la maladie ou assurer la guérison.

Pourtant, les ruptures de stocks se multiplient, touchant aussi bien les officines privées que les pharmacies des structures de santé. Ainsi, certains soignants se retrouvent des jours durant sans accès aux produits de contraste, essentiels pour plusieurs examens diagnostiques, et en rupture depuis près d’un an. Ce stress complique la gestion thérapeutique, désorganise l’offre de soins, et affecte la continuité des services médicaux.

Les conséquences sont particulièrement lourdes pour les patients atteints de maladies non transmissibles. Les retards dans les soins, voire l’impossibilité de traitement, peuvent conduire à la mort de certains d’entre eux. Les médicaments les plus souvent concernés par ces ruptures sont ceux liés aux maladies chroniques telles que le diabète, l’hypertension, l’insuffisance rénale, les maladies neurologiques, ou encore les traitements contre le cancer. Souvent, les patients ne découvrent ces pénuries qu’après avoir vainement cherché les médicaments dans plusieurs pharmacies.

Depuis plusieurs mois, la pénurie de produits de contraste suscite une vive indignation, notamment sur les réseaux sociaux où les médecins partagent des témoignages poignants. Un proche de patient raconte avoir sollicité l’aide d’un médecin pour publier sur les réseaux sociaux une demande de produit de contraste. Malheureusement, peu après, il a dû informer le médecin que le patient était décédé. Un autre cas déchirant est celui d’un homme dont le père a perdu l’équilibre en raison de la pénurie d’un médicament indispensable, indisponible au Sénégal depuis des mois. « J’ai dû demander à un cousin en France de m’envoyer le médicament. C’est cela qui a sauvé mon père. C’est inadmissible ! Les autorités doivent agir pour éviter de nouvelles pénuries. Les malades souffrent terriblement », déplore-t-il.

Le docteur Khadijatou Sy, radiologue, confirme l’aggravation de la situation depuis fin 2023. « Cet épisode de pénurie est sans précédent », regrette-t-elle, avant de rappeler l’importance des produits de contraste dans le diagnostic médical. « Ces médicaments, généralement administrés par voie intraveineuse, sont cruciaux pour des examens d’imagerie médicale comme les scanners, car ils permettent de mieux visualiser les organes et les structures internes, notamment pour détecter des tumeurs ou des anomalies vasculaires. Or, aujourd’hui, ces produits iodés, tels que l’iohexol, l’iomeprol ou l’iodixanol, sont tous en rupture. Cela empêche tout bonnement la réalisation d’examens cruciaux comme l’angioscanner thoracique ou le scanner thoraco-abdomino-pelvien, nécessaires pour diagnostiquer des embolies ou évaluer des cancers avant le début des traitements », explique-t-elle.

De son côté, Dr Oumou Bah, spécialiste des maladies cardiovasculaires, confirme que cette pénurie dure depuis plusieurs années. « La situation s’est aggravée récemment. Les rares stocks restants dans certaines officines sont désormais épuisés, et de nombreux examens sont reportés, même en cas d’urgence », déplore-t-elle. Elle souligne que les structures de santé privées, qui prennent en charge plus de 50 % des examens de scanner, sont gravement affectées. « Non seulement les prix des produits de contraste ont grimpé en raison de la rareté, mais il est devenu presque impossible d’en trouver », regrette-t-elle.

La pénurie, qui dure depuis deux ans, met en péril la qualité des soins. « Sans produits de contraste, nous sommes incapables de poser des diagnostics précis, ce qui retarde les traitements et aggrave la situation des patients », alerte Dr Oumou Bah.

Elle appelle les autorités à prendre des mesures urgentes pour rétablir l’approvisionnement. « Il est impératif de garantir un flux régulier de produits de contraste pour préserver la qualité des soins et protéger la santé de nos concitoyens », insiste-t-elle. « Il est grand temps de se concerter et d’agir pour fournir des produits de qualité à nos officines et à la Pharmacie Nationale d’Approvisionnement, car le secteur privé, qui prend en charge plus de 70 % des besoins en imagerie d’urgence, est laissé pour compte », conclut-elle.

Avec Le quotidien L’As

Oumou Khaïry NDIAYE
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