Du nom du roi de France mort à Tunis de la peste au 13e siècle, la ville de Saint Louis du Sénégal est une ville de paradoxes. Baignée entre fleuve et océan, entre vacarme de l’atlantique et douceur du fleuve Sénégal, la ville manque cruellement d’eau. La ville a au cours de son histoire eu le souci principal d’accès à l’eau potable et fit longtemps recours aux eaux de pluie. Le nom donné à la ville par les autochtones Ndaa ou canari pour réservoir d’eau est peut-être l’ultime lien avec le liquide sacré.
Tout au long de son histoire, l’accès à l’eau pure a constitué un défi majeur pour Saint-Louis. Longtemps, ses habitants ont dû se contenter des eaux pluviales ou faire venir l’eau depuis le village de Mbakhana distant de la ville de 28 kilomètres par l’installation de la première usine à vapeur en 1885.
Ce contraste saisissant entre l’abondance d’eau environnante et la rareté de l’eau potable au sein même de la cité trouve une cruelle ironie dans le nom donné à la ville par les populations autochtones : Ndaa ou Canari, qui signifie « réservoir d’eau ». Comme un ultime rappel du lien vital qui unit l’homme à ce liquide précieux.
En 1868-1869, la ville est victime d’une épidémie de choléra meurtrière venue du Maroc. Après une première période marquée par une forte mortalité et un arrêt brusque de l’épidémie qui va de fin décembre 1868, au début du mois de juin 1869. Le docteur Thiroux attribue ce phénomène au fait, qu’à la suite d’une marée un peu forte, l’eau douce de la crue, utilisée dans la plupart des usages domestiques, était remplacée par de l’eau salée de la mer réduisant ainsi son usage. Le réseau hydrographique a servi donc de canal de diffusion de la maladie. Ainsi, les mouvements de flux et de reflux de l’épidémie ont suivi le rythme des mouvements de communication de l’axe fluvial.
La résolution de sa crise hydrique à Saint-Louis n’est pas seulement une question locale, mais un défi global qui interpelle notre monde du fait des guerres liées à l’eau et des changements climatiques.
Saint-Louis du Sénégal, ville paradoxale et symbole d’une lutte universelle pour l’eau, nous invite à repenser notre rapport à cette ressource précieuse et à agir collectivement pour un avenir durable. Pendant ce temps, le pont centenaire de la Venise des tropiques lutte stoiquement contre les embruns marins et les crues et décrues du fleuve.
Adama Aly Pam