Londres s’apprête à accueillir une semaine décisive de négociations sur la future taxation carbone du transport maritime international. Un chantier ambitieux visant à aligner le secteur avec les objectifs climatiques mondiaux, mais qui suscite aussi de vives préoccupations en Afrique.
Le transport maritime, responsable d’environ 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Dans ce cadre, l’Organisation maritime internationale (OMI) envisage l’instauration d’une taxe mondiale sur les émissions de carbone. Les États membres se réunissent du 7 au 11 avril à Londres pour débattre des mécanismes économiques et techniques à adopter. Selon la Banque mondiale, une taxe fixée à 100 dollars la tonne pourrait générer jusqu’à 60 milliards de dollars par an à partir de 2025.
Des inquiétudes pour les pays en développement
Si cette transition vers des carburants propres représente une opportunité de développement industriel — notamment à travers la production d’hydrogène vert —, elle comporte aussi des risques majeurs pour les économies africaines. D’après un rapport de l’Africa Policy Research Institute, les mesures envisagées pourraient avoir des effets négatifs sur le commerce, la sécurité alimentaire et le revenu national des pays en développement.
L’analyse d’impact globale des mesures à moyen terme souligne les déséquilibres potentiels créés par une taxation uniforme, sans prise en compte des spécificités structurelles des économies du Sud. Les pays africains redoutent que le fardeau de la transition écologique ne soit injustement réparti, accentuant leur vulnérabilité économique.
L’Afrique plaide pour une redistribution équitable
Dans ce contexte, plusieurs États africains appellent à une redistribution claire, équitable et transparente des revenus issus de la taxe. Ils réclament notamment :
- Un mécanisme de partage des recettes basé sur les besoins climatiques, économiques et sociaux ;
- Des aides sous forme de subventions, et non de prêts, conformément au principe du « pollueur-payeur » ;
- Des fonds accessibles pour des projets variés — énergie renouvelable, agriculture résiliente, adaptation climatique — et non limités au seul secteur maritime ;
- La protection de la sécurité alimentaire et l’atténuation de l’impact de la taxe sur les exportations africaines, avec des exemptions ciblées ou temporaires si nécessaire.
Une réforme sous haute tension politique
L’OMI envisage de consacrer une partie des revenus de la taxe à l’aide climatique pour les pays vulnérables, notamment les petits États insulaires en développement (PEID) et les pays les moins avancés (PMA). Toutefois, les discussions sur la répartition exacte des fonds, leur gouvernance et leur usage sont encore loin d’un consensus.
Pour les pays africains, l’enjeu est de taille : faire en sorte que cette transformation du transport maritime mondial ne se fasse pas à leur détriment, mais qu’elle devienne un levier de justice climatique et de développement durable.