« Nouveau partenariat avec l’Afrique : Macron se trompe en cherchant à nous tromper. » Thierno Bocoum a relevé des incohérences dans le discours prononcé par le chef de l’Etat français, à la veille de sa tournée dans le centre du continent, pour théoriser une autre forme de coopération « plus inclusive » entre la France et l’Afrique. S’il admet que Emmanuel Macron est « le président de la République française qui a le plus martelé la fin de la France-Afrique et l’inexistence d’une politique africaine de la France », l’ancien parlementaire, président de l’Alliance générationnelle pour les intérêts de la République (AGIR), est d’avis qu’il fait actuellement fausse route.
« La démarche du Président Macron fait rire et finira par agacer », a soutenu, hier, Thierno Bocoum, dans une publication sur sa page Facebook. « Elle est cousue de fil bleu blanc rouge dans sa volonté de jouer au plus malin en prolongeant un néocolonialisme à forte dose de pratiques et à faible intensité de propos », a poursuivi le président du mouvement AGIR, qui a dressé un diagnostic accablant.
« L’ingérence de la France dans les affaires africaines est fortement contestée par le Président Macron et s’en démarque énergiquement au moment où une gestion dynastique du Tchad est soutenue et protégée par son gouvernement », a-t-il constaté, notant qu' »Idriss Deby avait publiquement déclaré que la France lui avait exigé de changer la Constitution et de se représenter en 2006. »
Autre argument brandi par Bocoum : « La paix en Afrique est aussi défendue partout par le Président Macron alors que pour des intérêts bassement stratégiques, Kadhafi avait été éliminé, faisant de la Libye le terreau de terroristes qui menacent toute l’Afrique occidentale et créent une instabilité dans beaucoup de pays africains. »
Selon lui, si « le Président Macron n’est pas responsable de cet acte irresponsable de règlement de comptes quasi personnel de Nicolas Sarkozy, (il) se détourne du mal qui continue sa gangrène alors que la continuité du pouvoir exigeait qu’une réparation de cette erreur monumentale soit effectuée par son régime ».
Aussi a-t-il reproché : « La France n’a pas souhaité soutenir sérieusement et directement les États africains qui luttent contre le terrorisme et qui défendent leur souveraineté. Elle préfère être sur place et diriger les opérations selon les humeurs de ses dirigeants et les intérêts de l’heure. Elle tire les ficelles pour garder intacts ses intérêts stratégiques. »
Quid du maintien des bases militaires françaises ? « C’est M. Emmanuel Macron lui-même, président d’un pays qui s’appelle la France, qui nous informe qu’il y aura des réformes concernant cette présence militaire », a-t-il par ailleurs avancé, déduisant que « c’est donc lui qui décide du sort de militaires étrangers installés sur le territoire d’autrui comme il a eu à décider des réformes du FCFA jusqu’à donner un nom à la nouvelle monnaie qui devra s’imposer à la politique monétaire d’États souverains ». Et de s’exclamer : « Quelle belle opinion de la souveraineté ! »
« La ruse ne servira à rien. L’Afrique d’aujourd’hui est éveillée et prendra son destin en main »
« M. le Président Emmanuel Macron est une personne intelligente et dynamique. Mais il devrait arrêter de brasser du vent », a-t-il suggéré. « L’Afrique n’a rien à voir avec l’idée qu’il se fait d’elle. Les Africains ne sont pas des ignorants qu’il faut berner par des discours et des activités de propagande d’une nouvelle collaboration trompeuse entre la France et certains pays africains. Ses discours sur l’Afrique doivent refléter la réalité de ses actions et de celle de la France qu’il représente. Quand on déclare que c’est fini, il faudra qu’on observe que c’est bien fini. »
« Le dernier sommet France-Afrique organisé à Montpellier par le Président Macron avait révélé toute cette stratégie ridicule visant à berner les peuples africains en mettant leurs revendications dans la bouche d’une société civile choisie et en apportant des réponses purement populistes sans liens avec la réalité qui s’exprime sur le terrain des relations bilatérales », a-t-il encore analysé, appelant à tourner la page de la colonisation, qui concernait « nos ancêtres respectifs ».
« Les nôtres ont subi, ceux des français et françaises se sont imposés pendant plusieurs siècles », a-t-il rappelé, soulignant que « la colonisation qui est un crime contre l’humanité et qui avait révélé un pan cynique de la domination de l’homme par l’homme est un fait dont les conséquences sont encore visibles sur la configuration de nos territoires et sur nos relations avec l’Hexagone ».
Néanmoins, Thierno Bocoum a à faire cette précision : « Nous ne pouvons évidemment pas en vouloir à ceux qui n’ont pas été là quand le mal était entretenu par leurs aïeux. Tout comme nous ne sommes pas coupables de la complicité de certains de nos ancêtres dans la politique de domination des autorités françaises de l’époque. » Selon lui, « le principe d’une responsabilité collective intergénérationnelle ne peut prospérer. Nous devons juger chacun à l’aune de ses responsabilités ».
Tout de même, il a admis que Emmanuel Macron « est le président de la République française qui a le plus martelé la fin de la France-Afrique et l’inexistence d’une politique africaine de la France. Il a bien raison de miser sur les pays africains et de rassurer leurs peuples car la France a toutes les chances d’être un partenaire privilégié de l’Afrique », a rassuré Thierno Bocoum, estimant que « l’histoire que nous partageons, l’enlacement de nos différentes cultures, la langue, la proximité géographique…peuvent être des atouts majeurs dans le cadre d’une coopération gagnant-gagnant ».
« Oui la France peut bel et bien bénéficier de l’uranium, du pétrole, du gaz et autres ressources africaines en tant que partenaire privilégié sans avoir besoin d’avoir un rôle paternaliste », soutient-il, suggérant qu' »il suffira juste qu’elle nous respecte en tant que Etats et peuples souverains et qu’elle engage des discussions franches dans le sens d’une collaboration saine et gagnant-gagnant. La ruse ne servira à rien. L’Afrique d’aujourd’hui est éveillée et prendra son destin en main »
Vox Populi