Triste constat de Ousmane Diallo, Amnesty International : «Depuis les affaires judiciaires contre Ousmane Sonko, une intense militarisation de l’ordre public au Sénégal»

Ousmane Diallo a exprimé des préoccupations sur les récentes répressions contre les journalistes et les dirigeants de l’opposition, notamment Ousmane Sonko. Dans cet entretien avec la National Public Radio (NPR) des États-Unis, diffusé ce week-end, le chercheur à Amnesty International a surtout mesuré les conséquences d’une éventuelle condamnation du Président de PASTEF dans l’une des deux affaires qui l’opposent respectivement à Adji Sarr, pour viol, et Mame Mbaye Niang, pour diffamation.

« Depuis qu’il y a des affaires judiciaires contre un chef de l’opposition, Ousmane Sonko, il y a une intense militarisation de l’ordre public au Sénégal, et le quartier d’Ousmane Sonko a été barricadé par la police, en fait », relève Ousmane Diallo pour qui cela s’inscrit dans le contexte des élections présidentielles de 2024. « Ce qui est réellement en jeu actuellement, c’est qu’une condamnation d’Ousmane Sonko dans l’une des deux charges retenues contre lui pourrait le rendre inéligible aux élections présidentielles de 2024 », ana­lyse-t-il, faisan allusion aux accusations de viol par l’ex-masseuse Adji Sarr et de diffamation portée par le ministre Mame Mbaye Niang contre le leader de PASTEF.

Commentant la sortie de Macky Sall dans le média français L’Express où le président de la République a soutenu que le principe des deux mandats successifs de 5 ans ne lui était pas applicable, le chercheur a un avis tranché. « Je pense que cette situa­tion contribue à l’instabilité du Sénégal, car concernant l’éligibilité du président, Macky Sall, la question sera tranchée par le Conseil constitutionnel. Il va être contesté, et il va y avoir une protestation violente quelle que soit la décision », estime-t-il, soulignant toutefois qu' »il n’a pas pris sa décision ».

Les répressions contre les hommes des médias est aussi une préoccupation de M. Diallo, notant que « cette accusation de diffusion de fausses nouvelles a été beaucoup utilisée pour emprisonner des journalistes et des personnalités de l’opposition ou même des membres de la société civile qui parlent et commentent la situation politique ». Selon lui, le paysage médiatique du Sénégal, décrit comme étant assez robuste au cours des dernières années, a commencé à changer « depuis les manifestations de mars 2021, nous avons vu plus de pression contre les acteurs de la presse », indique-t-il.

Réactualisant au passage une vieille doléance de la section sénégalaise de Am­nesty International, il retient que « cela a marqué une étape importante au Séné­gal dans les relations entre les citoyens et les forces de sécurité et le manque de responsabilité lié à la mort de ces 14 personnes est toujours un sujet sensible dans le débat public au Sénégal », rappelle Diallo.

Toutefois, le chercheur à Amnesty International n’a pas manqué de souligner que le Sénégal est « l’une des plus anciennes démocraties d’Afrique de l’Ouest. Il n’y a jamais eu de prise de contrôle militaire au Sénégal. Il n’y a jamais eu de régime militaire à la différence de nombreux pays voisins. Le Sénégal s’impose comme un phare démocratique dans la région. Mais maintenant, je pense, au cours des deux dernières années, les autorités ont intensifié la répression ».

Mais, relativise-t-il, ce qui se passe au Sénégal, dans le contexte actuel d’instabilité de la sous-région, est source d’inquiétudes. « De nombreux Africains de l’Ouest considèrent la situation au Sénégal comme l’incarnation des difficultés de la région. Malheureusement, je pense que si la situation au Sénégal s’aggrave, nous verrons probablement plus de recul dans la région et plus de désaffection contre les élites politiques de la part des citoyens du Sénégal, mais aussi du Mali, de la Côte d’Ivoire et du reste des pays d’Afrique de l’Ouest », avise Ousmane Diallo.

Saphiétou Mbengue
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